Guadeloupe. Politique. Ce que disent et veulent les organisations patriotiques #ANG
Pointe-à-Pitre. Samedi 9 mars 2024. CCN. A quelques mois du prochain congrès des élus, #CCN a interrogé les organisations patriotiques qui ont pour objectif principal la sortie du système colonial français. Mais nous ne sommes plus dans les années 80 quand l’UPLG dominait le mouvement national gwadloupéyen ou que l’ARC s’attaquait militairement aux symboles du colonialisme. En 2024, les patriotes et nationalistes Gwadloupéyens n’ont pas (encore) trouvé la méthode.
De l’UPLG au FKNG en passant par l’ANG ou LKP la question nodale est celle de l’unité. En effet les leaders de ces différentes organisations, ne semblent pas (encore) prêts à faire front. Ainsi, donc pour l’heure, aucune de ces organisations n’est en capacité de “ mété on bwa si môdan a kolonyalis fwans- la pou gwadloup Kaskod”. Es ni bwa dèyè !
Alyans Nasyonal Gwadloup (ANG)
CCN. Pourquoi de votre point de vue, certains élus, journalistes, universitaires, chefs d’entreprise refusent-ils de considérer la gwadloup comme un pays colonisé ?
Nathalie Minatchy (NM). La Guadeloupe est un pays colonisé, c’est un fait. Avant mars 1946 cela était consacré dans les textes et les institutions : Ministère des colonies, Banque des colonies, Ecole d’administration des colonies. La transformation de la Guadeloupe en département en 1946 n’a pas changé les fondements de sa relation avec la France.
Le ministère des colonies est devenu le ministère des DOM. Les noms ont changé mais quant au fond la situation demeure la même.
Le nier que cela soit de la part de journalistes ou de politiques, revient à nier l’évidence. C’est un positionnement idéologique étranger à la réalité des faits.
En Guadeloupe nous disons « Yo pa vlé vwè on bèf blan andidan on tè bouré »
CCN. Au niveau de ANG comment voyez-vous la Gwadloup de 2034 ?
NM. Nous nous engageons pour qu’en 2034 nous ayons une Guadeloupe émancipée, avec l’organisation territoriale qu’aura choisi le peuple Guadeloupéen en conscience. Une organisation qui consacre l’épanouissement par la responsabilité, le travail, le développement économique, la fraternité, la paix, la solidarité et une culture de peuple caribéen pleinement assumée.
CCN. Quelles sont pour L’ANG les voies et moyens pour sortir de la situation coloniale ?
NM. La seule voie possible est l’émancipation par la responsabilisation. Nous devons pratiquer le pays pour nous en rendre maitre, devenir réellement ce que nous sommes. Subvenir à nos besoins (vitaux, culturels) par notre travail et la volonté d’ériger une nation debout. Nous avons un pays, une nation à construire et à préserver. Personne d’autre ne le fera à notre place, alors mettons-nous au travail même si cela n’est pas facile.
CCN. Comment expliquer la faiblesse actuelle du mouvement patriotique actuel ? A quoi est-ce dû ?
NM. C’est une question à poser à des historiens. Le mouvement patriotique et les luttes sociales ont permis de nombreux acquis, aussi bien du point de vue de la sauvegarde du foncier, notamment agricole, que de la culture et de l’identité guadeloupéennes.
En tant que militants, nous nous attachons à trouver la mission de notre génération, qui est de proposer des solutions à partir d’une analyse objective de la situation et d’impliquer dans ce combat tous ceux qui veulent construire une Guadeloupe émancipée.
CCN. Il y aura en juin prochain un congrès des élus ? qu’attendre de cette manifestation ? quelle est la position de l’ANG sur l’assemblée unique ?
NM. L’Assemblée unique est un gadget. Les statuts et institutions doivent servir une ambition politique claire, qui n’a pour nous qu’un objectif final : permettre l’épanouissement des Guadeloupéens dans leur pays, en harmonie avec un environnement naturel préservé.
Au cours des débats qui arrivent, nous ferons part de nos propositions, nous profiterons pour les expliquer à tous, au peuple Guadeloupéen, aux élus, au monde socio-économique, au monde de la culture, aux confréries religieuses.
Nous tenterons d’expliquer à tout le monde ce qui nous semble le mieux pour le pays, sans prétention de détenir seul la vérité.
Le peuple choisira en conscience.
CCN. A peine 30% des Gwadloupéyens participent aux élections. A L’ANG, on se prépare déjà pour les prochaines élections régionales et municipales ?
NM. Cela est faux. Aux dernières élections municipales qui font référence (2014), le taux de participation était de 61,4% donc bien loin de ce que vous affirmez. En 2020 année COVID, donc non significative, le taux était quand même de 46,5% encore bien loin de ce que vous affirmez.
Pour la participation aux prochaines échéances électorales, la position définitive sera arrêtée au prochain congrès du parti au mois juin 2024.
NDLR. Fast Checking the CCN : élections régionales de 2021 résultats officiels
Abstentions : 63, 12%. Votants : 36,88%. Nuls : 1,28%. Exprimés : 33,80%
CCN. Un retour de l’ANG au LKP, est-ce possible ?
NM. La question ne se pose pas pour le moment,
Nous travaillons avec tous ceux qui souhaitent œuvrer pour l’intérêt supérieur du peuple guadeloupéen et qui respectent nos valeurs et nos choix.
CCN. Pourquoi n’y a-t-il pas à l’ANG de campagne active sur la question de l’indépendance ?
NM. La ligne de l’ANG est l’accession à la responsabilité en empruntant le chemin de l’émancipation. Nous mettons un point d’honneur à expliquer aux Guadeloupéens où nous voulons les conduire, comment nous allons y arriver et avec quels moyens. Notre organisation est particulière car dans nos rangs vivent en harmonie des indépendantistes et des autonomistes. Ils ont en commun d’être des Guadeloupéens conscients de l’état désastreux du pays et d’être désireux de s’engager pour le transformer sans démagogie et sans attendre. En effet, nos actions citoyennes quotidiennes, notre engagement dans notre travail (toupatou la nou yé) viennent conforter notre engagement politique vers l’émancipation. Aujourd’hui l’ANG prouve qu’on peut faire ensemble si on aime son pays et si on veut le voir se développer.
CCN. Comme ce fut le cas à Bonne veine (1985), est-ce que les organisations anticolonialistes des dernières colonies françaises peuvent se rassembler ?
NM. C’est également un sujet sur lequel nous travaillons. Nous avons des contacts avec les organisations de Kanaky, de Mà’ohi Nui, de Corse, de Guyane et de Martinique bien sûr.
CCN. En quoi l’ANG est-elle différente des autres organisations patriotiques, qu’est ce qui fait la singularité de ce mouvement ?
NM. Comme évoqué plus haut, l’originalité de notre organisation c’est d’abord sa composition. Elle regroupe des Guadeloupéens indépendantistes et autonomistes, qui se retrouvent tous dans l’idée de construire la Nasyon Gwadloup et de lutter contre le colonialisme. La deuxième originalité, c’est son mode de fonctionnement, il n’y a ni président ni secrétaire général, ni secrétaire de section. Il n’y a pas de chef, de « ti-mal ». C’est une direction collégiale qui prend les décisions en apprenant à travailler ensemble. Nous avons 5 porte-paroles qui diffusent la position de l’organisation.
Le débat est la règle, les échanges sont permanents dans le respect des valeurs que nous avons définies. Nous nous attachons à maintenir cette discipline et cet apprentissage, même si cela n’est pas évident tous les jours, car ce mode de fonctionnement est fondateur de la Guadeloupe de demain. Celle à laquelle nous rêvons : une Guadeloupe épanouie, démocrate et dont les enfants envisagent l’avenir avec confiance.
Réponses de Nathalie MINATCHY
Makè ANG
