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France. Violences. Qui sont ces criminels sexuels ?

France. Violences. Qui sont ces criminels sexuels ?

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Paris. Samedi 9 mars 2024. CCN. Les récentes affaires de violences sexuelles exercées dans les milieux artistiques et médiatiques parisiens à l’encontre de femmes, souvent très jeunes voire encore adolescentes, les affaires Depardieu, Brisseau, Hulot, Poivre d’Arvor, Matzneff, Benoit Jacquot, Jacques Doillon, Gérard Miller pour le dernier, mettent à jour une fois de plus les ravages du système patriarcal. Pour la circonstance, CCN a donné la parole à deux Psy, deux femmes : L’une Franco-Française, Danielle Karasik (psychanalyste) et l’autre Guadeloupéenne, Marie-Lise Salin ( Docteure en psychologie). Elles analysent avec rigueur et une grande lucidité les  cas de ces VIP qui exercent leurs violences sexuelles sur de très jeunes femmes.

  1. La Dimension psychologique

Ce système dominateur, dans lequel les hommes oppriment les femmes et les enfants, s’exerce depuis la nuit des temps dans de très nombreuses cultures – mais pas dans toutes. L’accaparement du pouvoir et de ses attributs est sa raison d’être, la violence sous toutes ses formes sa marque de fabrique.

Alors qui sont-ils ces criminels sexuels, célèbres ou moins connus mais tout aussi toxiques ?  On est d’abord frappé d’une chose au fur et à mesure des révélations, c’est qu’ils présentent un profil sociologique identique : il s’agit d’hommes, blancs, âgés de 40 ans et +, installés dans des positions de pouvoir, dans des milieux professionnels générant influences dans différents domaines, artistique, intellectuel, y compris le domaine politique, et profits financiers importants.

Concernant la dimension psychologique, on s’interrogera ici sur les mécanismes psychiques qui sont à l’œuvre dans ces rapports de prédation et on se posera la question de savoir comment on en arrive à des situations aussi tragiques qui se soldent malheureusement souvent par des maladies, des addictions, des délitements de toute vie sociale, voire des suicides.  Des situations d’autant plus douloureuses et difficiles à dénouer qu’elles ont été d’une certaine manière consentie, et même incitées par les entourages.

Les victimes, la société à tous les échelons doit réellement chercher à les prémunir et les aider à se déprendre de l’emprise qu’elles subissent (éducation, prise en charge, accompagnement, etc…). Le plus souvent, ces femmes très jeunes, trop tôt livrées à elles-mêmes, aux sens aiguisés par l’angoisse, à l’affût du moindre signe d’attention privées qu’elles ont été du soin et de l’amour indispensables à toute enfance, ces femmes sont démunies de toute armure protectrice et représentent des proies faciles à piéger.

Et les prédateurs, quel est leur problème se demande-t-on ? Qu’est-ce qui fait que des hommes se comportent de la sorte ? Comment en arrivent-ils à se soustraire à leurs responsabilités d’être humain ? Ces comportements de violences, sexuelles et/ou psychiques, exercées sur les plus fragiles, indiquent une déviance majeure, un trouble pathologique dit de perversion narcissique, lequel consiste à ne pas pouvoir éprouver de satisfaction sans transgresser les règles sociales et morales en vigueur. Un cran plus loin dans l’échelle de cruauté, le pervers narcissique devient psychopathe et n’arrive plus à contenir ses pulsions sadiques de destructivité.

2. Que cherche le pervers ?

Le respect d’autrui, c’est-à-dire la reconnaissance de sa valeur singulière, d’une possibilité d’échange équitable, est inaccessible au pervers narcissique. Parce que, pour lui, autrui n’existe pas en tant que tel. L’autre est perçu non pas comme une personne mais comme un objet, sans vie propre. Il est réduit à être un ustensile pour sa jouissance, un instrument à manipuler.

En effet, le pervers, lorsqu’il entre en relation avec les autres personnes, s’emploie à les manipuler : dans sa logique, elles doivent lui fournir ce qu’il veut obtenir. Pour ce faire, le pervers cherche à séduire l’objet de son fantasme : « fais-moi plaisir », « sois gentille ». Dans sa panoplie instrumentale, on trouve également les armes de la culpabilisation ou du chantage : « tu me fais de la peine, tu me déçois, à cause de toi tout va mal, tu as détruit notre couple, notre famille », etc…

Bien entendu, dans toute relation amoureuse où s’éprouvent des émotions intenses, être amoureux fait frôler cette zone de clair-obscur où sommeillent les passions infantiles, raison pour laquelle joie, déception, dépendance à l’objet d’amour, peuvent être ressenties avec intensité. Mais les personnes à personnalité fragile, ressortant d’une pathologie narcissique, se distinguent par leur manière de vivre ces émotions à l’extrême, sans filtre, dans des débordements inquiétants qu’il faut prendre au sérieux en ce qui concerne la prise en charge en raison de leur forte vulnérabilité.

Parfois, le pervers ne s’encombre pas de précautions d’approche. Succombant sans retenue à des fantasmes de toute-puissance, il franchit une étape dans sa pathologie et donne libre cours à ses pulsions. iI n’existe plus de garde-fou psychique pour contenir ses désirs et les réfréner. C’est là que prennent place les viols et violences sexistes et sexuelles.

Le sentiment de toute-puissance, qui existe chez tous les petits et qu’il s’agit précisément de leur faire abandonner au fur et à mesure de leur éducation, trouve libre cours dans la personne adulte du pervers. Soit parce qu’il n’a jamais renoncé à cette toute-puissance (on peut le voir chez des jeunes hommes violents et violeurs) soit parce qu’il a renoué avec ce fantasme, au fil du déroulement de sa vie et des difficultés rencontrées.

La figure du superhéros Marvell nous aide à se figurer ce fantasme : voyez le petit laborantin timide, qui ne sait comment approcher la jolie Mary-Jane dont il est épris en secret … soudain un bouleversement de personnalité s’opère en lui, il endosse la panoplie de l’Avengers céleste et, doté d’une force miraculeuse, plus rien ne l’arrête, il fait ployer toutes les résistances qui se dressent sur son chemin.

Le violeur, c’est celui qui ne sait pas obtenir satisfaction autrement que par des voies perverties de l’échange : il veut, il ne demande pas, il prend. L’autre pour lui n’est qu’une proie. Son drame c’est ne n’avoir jamais eu accès à la félicité de l’échange, il n’a pas rencontré la sécurité qui lui aurait permis de renoncer à son fantasme de toute-puissance. Aimer, aimer, aimer, être aimé, ne pas avoir peur de l’autre, ça ne lui a jamais été permis. La construction d’un être apaisé, confiant en lui et dans le monde, n’a pas pu s’opérer…

L’homme ne naît pas pervers, il le devient. La perversion n’est pas innée, c’est une fabrique, la marque d’une série de ratés dans son évolution psychique, de « bugs » dans sa maturation… L’histoire personnelle et intime de l’homme violeur est malheureusement jalonnée d’occasions ratées, de traumatismes vécus, de carences affectives importantes. Au premier rang de ces carences, souvent le manque d’un père ou de quelqu’un occupant cette fonction paternelle si nécessaire. Autres facteurs possibles, des violences dans la cellule familiale, des secrets d’inceste, etc…   La vilénie humaine n’est pas en reste pour porter atteinte aux beautés de la vie. 

3. Le systéme oppressant et brutal du patriarcat

Le retour à Franz Fanon une fois encore nous éclaire sur la fabrique du pervers, lui qui, en psychiatre, a si bien décrit les déterminants de l’identification névrotique de l’opprimé à l’oppresseur. Les hommes élevés dans le système oppressant et brutal du patriarcat subissent d’abord eux-mêmes les violences avant de les reproduire sur plus faibles qu’eux. C’est ainsi qu’après avoir été eux-mêmes carencés affectivement, parfois victimes d’abus sexuels, battus ou abandonnés, parfois privés d’une autorité paternelle contenante, parfois livrés à des mères abusives ou déprimées, ils se retrouvent à détruire femmes et enfants, incapables de les satisfaire et de les respecter, impuissants qu’ils sont devenus.

S’agissant du contexte historique, comment expliquer que les affaires de cette sorte aient pu avoir lieu, en toute impunité, en dépit des avancées notables dans la libération des femmes ces dernières décennies ? Par quel filtre mystérieux déversé sur nos sociétés modernes, les emprises subies par ces jeunes femmes ont-elles pu jusqu’à récemment paraître relever du normal alors qu’à l’évidence elles relèvent du pathologique ?

Car ces emprises, elles s’exerçaient pour ainsi dire au vu et au su de tous, crânement même, comme si finalement elles étaient admises.  On a pu voir récemment, dans le documentaire de Gérard Miller sur Les Ruses du désir (2011) exhumé des archives à l’occasion du dépôt de plainte de Judith Godrèche, un Benoît Jacquot reconnaître son goût pour les très jeunes filles et expliquer même que le cinéma n’est jamais qu’une « couverture » pour « trafic illicite » de « mœurs de ce type-là », à savoir les relations sexuelles avec des mineures. Comme le dit joliment l’historienne Laure Murat dans Le Monde, « on connaissait le raciste décomplexé, bienvenue au prédateur décomplexé ».

Comment ne pas voir dans la figure de ce prédateur sexuel décomplexé qui s’attaque cyniquement aux plus fragiles, l’emblème de cette société sans éthique, débarrassée de toute contrainte morale, à l’ultra-libéralisme débridé, tant dans ses mœurs que dans sa politique, qui dévore la planète, déplace et humilie les populations, soumet ou tue les plus fragiles, au nom de toujours plus de pouvoir et de profit ?

Les révélations en série de ces sordides affaires ont pour fonction tragique mais bénéfique de pointer du doigt le caractère décadent de cette société qui favorise les excès les plus dégradants, du point de vue sociétal comme du point de vue social et économique. On pense alors à « Salo et les 120 journées de Sodome » de Pier Paolo Pasolini qui, lucide sur la société des années 70 dans laquelle il vivait, dénonçait déjà les faussetés d’une libération sexuelle qui n’était à ses yeux qu’un nouveau moyen perverti pour abuser les plus faibles. Aux côtés des victimes de ces affaires de crimes sexuels, il est de notre responsabilité d’adultes, aujourd’hui comme hier, d’extraire le mal de son effarante banalité.

Danielle Carassik

Psychanalyste

Membre d’Espace analytique

https://www.espace-analytique.org/

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