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La fin d'un monde révolu : « Lorsque la vérité dérange, faut-il préférer l’illusion qui réconforte » ?

TRIBUNE de l'économiste Jean marie Nol .

Tribune de Jean-Marie Nol 

La chronique d’Olivier Nicolas

Basse-Terre-Capitale. Mardi 3 janvier 2023. CCN. J’avais dans ma dernière tribune de presse annoncé que je me refugiais désormais sur l’Aventin et me désintéressait du débat économique, mais voilà je viens de prendre connaissance sur RCI de la prise de position du président des îles de Guadeloupe concernant une amélioration de la situation économique de la Guadeloupe, et ce dans le même registre de la dernière note de conjoncture de l’iedom, et cela m’oblige à sortir de ma réserve pour rétablir la vérité des faits économiques,  quitte à passer pour Cassandre

Selon moi,  loin des propos lenifiants en trompe l’œil des uns et des autres, la situation mériterait plus un avis  de vigilance orange sur l’actuelle conjoncture économique  de la Guadeloupe  !

Hyper Inflation importée de la France hexagonale , flambée des taux d’intérêt,  et dette publique massive : gare au trio infernal pour la  Guadeloupe  en 2023.

Les rapports prévoyant une récession pour la France en 2023 se multiplient. Un ralentissement de l’activité économique qui impacterait forcément l’équation budgétaire de l’Etat français. Mais, il faut s’attendre à ce que le principal danger vienne de la crise de la dette. En effet, l’envolée de la dette publique de la France se poursuit. Au troisième trimestre 2022, celle-ci a de nouveau progressé de 40 milliards d’euros, atteignant 2956,8 milliards d’euros, selon une publication de l’Insee dévoilée ce vendredi 16 décembre 2022. 

Peu à peu, elle se rapproche donc des 3000 milliards d’euros, jusqu’à frôler ce palier hautement symbolique. 
Le creusement des comptes publics se constate également en pourcentage : la dette a atteint 113,7% du PIB, en hausse, là encore, par rapport aux 113,3% du PIB constatés au second trimestre. Les conséquences d’une augmentation de la dette publique peuvent être très fâcheuses, en effet d’une part, la hausse de l’endettement public provoque une hausse des taux d’intérêts qui se répercutent dans les capacités d’emprunt des agents économiques, ce qui nuit à leur consommation et leur investissement.
D’autre part, face à une dette élevée, les investisseurs peuvent redouter un défaut de paiement des entreprises qui sont aujourd’hui très nettement en difficultés en raison de la crise énergétique. Dans ce contexte de crise inflationniste, la Banque centrale européenne vient encore d’augmenter ses taux directeurs de 0,50 points , et envisage de poursuivre une politique monétaire restrictive en 2023
Quelles conséquences ?
En augmentant le taux d’intérêt auquel les banques se font prêter de l’argent par la BCE, par ricochet il coûtera plus cher aux entreprises, aux particuliers ou encore à l’État de s’endetter. Le but est bel et bien de freiner la consommation.
En conséquence de quoi, le crédit immobilier et  surtout à la consommation  devrait se raréfier, alors que dans le même temps le coût des crédits devrait exploser pour les entreprises et les ménages. Emprunter à la banque devrait devenir mission impossible pour certains. Pour les banques, la hausse du taux de crédit immobilier et des prêts personnels sera inévitable face aux coûts de financement. En effet, elles n’auront pas d’autres choix que d’augmenter leurs barèmes de frais et taux d’intérêt au grand dam et désarroi des emprunteurs. Cela dit, nous entrevoyons une très forte croissance des dossiers de surrendettement attendue en 2023.

Par ailleurs, la dégradation des comptes publics allant de pair avec  la spirale inflationniste actuelle,  représente une sérieuse menace pour la stabilité économique et sociale du pays Guadeloupe , mais surtout aussi bien sociétale. L’inflation n’est pas qu’une affaire de pouvoir d’achat. La hausse des prix, et singulièrement ceux de l’énergie, clé de la mobilité, pèse sur le moral des personnes qui se sentent en situation de vulnérabilité .  

Toute la vie sociale est affectée par ce sentiment avec, en toile de fond, une peur : celle de basculer dans la pauvreté. Parmi les restrictions que l’on s’impose pour faire des économies, celle de réduire les loisirs, activités sportives ou culturelles – un comportement qui augmente de 21 points entre janvier 2019 et juillet 2022. On réduit les visites à la famille et aux amis (+ 18 points), on renonce aux examens médicaux (+ 15 points) ou à effectuer des démarches administratives, ce qui aggrave le non-recours aux prestations sociales.

Cette vulnérabilité se traduit dans le quotidien : difficulté à payer les charges de logement (factures d’électricité, eau et gaz notamment).

Ainsi, ce phénomène  actuel de déstructuration par l’inflation du  socle sociétal des îles antillaise peut se mesurer déjà par  une flambée de la violence inhérente à la délinquance de certains jeunes ,mais aussi au sein des familles.  Cela se  traduit notamment par la poussée des violences conjugales qui n’en est encore, selon nous, qu’à ses débuts aux Antilles. Et  gageons que  cela va s’accentuer fortement avec les divergences sur l’éducation des enfants et les difficultés financières attisées au sein des couples par l’hyperinflation. On peut relever aussi que déjà confrontés à la vie chère  et aujourd’hui à l’inflation, des étudiants  Guadeloupéens basculent dans la précarité. 

D’après nos propres prévisions établies non pas à partir des projections de l’insee et de l’iedom, mais d’une modélisation de plusieurs données économiques, nous entrevoyons plutôt le fait d’une récession de l’économie. La réalité des choses est que beaucoup de ménages Guadeloupéens  devraient basculer dans la précarité financière courant  2023, et bon nombre d’entreprises zombies déjà fragilisées par la crise sanitaire feront vraisemblablement faillite. Et cerise sur le gâteau, beaucoup parmi les collectivités locales verront leurs comptes basculer dans le rouge avec pour conséquence un important recul des investissements publics et une forte augmentation des impôts locaux, et  d’ailleurs déjà à ce propos  l’on peut relever que la situation paraît kafkaïenne pour la communauté d’agglomération Grand Sud Caraïbes en Guadeloupe. La CRC vient d’épingler une nouvelle fois l’EPCI, qui accuse plus de 71 millions d’euros de déficit au compte administratif 2021 et un déséquilibre de 79 millions d’euros pour le budget 2022. Les administrés doivent s’attendre à une augmentation très sensible des impôts locaux et taxes. Cela fait maintenant des années que je tire la sonnette d’alarme en vain, alors aujourd’hui je n’ai d’autre choix que de me résigner à cette posture de la politique de l’autruche de nos élus, et  observer impuissant à cette descente aux enfers… Bref, tout compte fait n’est-ce pas confucius qui disait que ” Exige beaucoup de toi-même et attends peu des autres. Ainsi beaucoup d’ennuis te seront épargnés.”

Cela étant, l’étau va bientôt se refermer sur nos élus à travers les pouvoirs nouvellement dévolus à la chambre régionale des comptes. En effet un  décret paru au Journal officiel permet aux Chambres régionales des comptes de s’auto-saisir pour « évaluer » les politiques publiques des collectivités territoriales. A notre avis, il est question sur ce  sujet d’une interprétation très particulière (et fort discutable) de la loi 3DS. Alors, sommes nous  en présence d’une opération de prévention et de transparence de la gestion des collectivités ou d’une mise sous tutelle politique ?

L’avenir nous le dira prochainement…

Quelle sera l’ampleur de la crise économique et surtout financière en Guadeloupe ? 

Ces derniers jours, plusieurs rapports d’experts font état de prévisions beaucoup moins optimistes que nos élus pour l’année 2023. Pourtant,  il ressort de notre réflexion que la Guadeloupe est bel et bien sur le fil du rasoir, car la précarité financière avec son  lot de pauvreté va très nettement  progresser en Guadeloupe, d’une part selon nous, sous l’effet de  l’hyper inflation, et d’autre part de plusieurs facteurs  comme la hausse du nombre de familles monoparentales aux faibles revenus,  et une croissance économique qui demeurera historiquement faible du fait entre autres de la reprise de la crise sanitaire et l’installation durable de la crise énergétique, avec pour conséquence une diminution des dotations publiques, une réduction du crédit  bancaire et  un niveau de chômage élevé en raison des prévisions de faillites d’entreprises, du fait d’une  insuffisance de fonds propres pour pallier aux difficultés de trésorerie inhérents à la très probable baisse de la consommation.

Par ailleurs,  les entreprises sont déjà concernées par des difficultés de trésorerie en raison de fonds de roulement beaucoup  trop  faibles  pour le financement des stocks qui devrait s’alourdir avec l’envolée des coûts de production du fait de la crise énergétique,  ainsi que des  revendications salariales, mais aussi de la flambée attendue début  2023 du coût du transport aérien et fret maritime avec la crise du Covid en Chine… Cette question qui risque d’être très problématique pour les entreprises et les ménages de Guadeloupe. Quel est  ce  problème  qui  aura un fort impact sur l’érosion très sensible du pouvoir d’achat des antillais et dont la presse ne pipe mot ? 

Tout d’abord,  en préambule, il faut  savoir  que depuis mars 2020, le prix du transport maritime par container a été multiplié par 7. L’augmentation a été plus forte dans le transport de marchandises sèches. Le prix du fret représente à présent une part croissante des prix des marchandises.

Cette envolée des prix va durablement affecter les chaînes d’approvisionnement et mettre à la peine les petits expéditeurs vers les  Antilles qui ne sont pas en position de négocier les tarifs et de réserver prioritairement les espaces. Elle va en premier lieu éroder les marges puis se répercutera dans les prix des marchandises importées.

Une étude récente du FMI sur 1992-2022 montre que les pics des prix du fret maritime sont suivis par de fortes augmentations des prix des importations puis des prix à la consommation.

L’étude trouve qu’un doublement du prix du fret se traduit par 0,7 point de pourcentage en plus d’inflation avec un effet de persistance assez long de 18 mois. L’augmentation de 2021et 2022 pourrait donc se traduire par 1,5 point de pourcentage en plus en 2023. Pour le moment  l’impact apparaît de moindre ampleur sauf pour le fret aérien, mais sera  bientôt plus  persistant pour le  fret maritime. Les chocs de prix énergétiques et alimentaires en France hexagonale vont bientôt se faire ressentir par les consommateurs antillais . Le prix du fret se transmet en effet au prix des intrants importés et donc aux prix de production et plus tardivement aux prix à la consommation. Les biens dont la production s’intègre dans des chaînes d’approvisionnement mondiales seront plus touchés, notamment ceux nécessitant des intrants d’Asie   , ce qui est le  cas pour les Antilles. Ordinateurs, produits électroniques ,électroménagers, et optiques seront les plus impactés, mais aussi certains produits à plus faible valeur ajoutée comme le textile, les meubles et les vêtements.

Le prix du transport des marchandises qui avait séculairement baissé, amorce maintenant une claire ascension. Rien n’indique que cette inflation du prix du fret va se résorber prochainement.  En conséquence,  les entreprises et les ménages des Antilles devraient tous anticiper ce phénomène d’hyper inflation à venir  en 2023….” sé Bèf douvan ka bwè dlo klè”.  Traduction  française : c’est le bœuf de devant qui boit de l’eau claire. 

A quelques jours des fêtes de fin d’année, les indicateurs macro-économiques devraient passer au rouge les uns après les autres pour ce qui concerne les prévisions  pour la Guadeloupe. 

Après un fort rebond post crise sanitaire, avec le ” quoi qu’il en coûte”, la croissance  quoiqu’on dise s’est tassée  en cette fin d’année 2022. Dans sa prochaine note de conjoncture qui sera dévoilée pour l’année prochaine, l’Insee devrait tabler sur une croissance du PIB négative en 2023 pour la Guadeloupe. Mais le tableau est peut-être plus noir encore, puisque de nombreuses évolutions inquiétantes de l’économie mondiale s’empilent, jusqu’à faire poindre le spectre d’une récession planétaire. En effet, l’inflation qui touche actuellement l’Europe peut se transformer en  un phénomène destructeur d’hyper inflation pour la Guadeloupe et la Martinique, et c’est pas le seul signal inquiétant ,car la baisse de croissance de l’économie mondiale peut affecter les chaînes de production avec  pour conséquence des pénuries de certaines marchandises  aux Antilles. En effet, Covid et  bulle immobilière en Chine ,ainsi que l’incapacité de la Fed à juguler l’inflation américaine même avec la récente décision de relever une fois de plus les taux directeurs,  vont a minima provoquer des perturbations dans le processus des chaînes de production et entraîner un ralentissement de la croissance mondiale à la fin de l’année. Et la conjonction de tous ces risques pourrait faire craindre une crise financière et une récession à l’échelle planétaire qui devrait impacter durablement la situation économique, financière  et sociale de la Guadeloupe et de la Martinique. Bref, au vu de ce constat économique et social peu reluisant, et une fois ces  éléments négatifs pris en compte, tout compte fait la seule bonne nouvelle qui devrait être à retenir pour l’année prochaine sera sans conteste le sacre de miss Guadeloupe à l’élection de miss France. La Guadeloupe terre de champions….Oui,  peut être, mais quid de l’espoir de changer les choses et surtout de paradigmes, quand on évoque le fait que : « Les hommes n’acceptent le changement que dans la nécessité et ne voient la nécessité que dans la crise ». 

A quelques jours des fêtes de fin d’année, cette citation de Jean Monnet devrait  retrouver une grande actualité.

Jean Marie Nol,  économiste 

 

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