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Guadeloupe. Économie post Covid : l’heure du secteur culturel et créatif a-t-elle enfin sonné ?

Pointe à Pitre. Mardi 23 juin 2020.  CCN. A cause de la pandémie qui s’est abattue sans prévenir que le monde tous les secteurs de l’économie ont très sérieusement impactés. Parmi tant d’autres le secteur des industries culturelles créatives (ICC) a bien du mal à se relever. Dans notre pays, la Guadeloupe, les grands rendez-vous que sont : le Festival Terre de Blues, le Festival de Gwo ka, les festival de Cinéma, les concerts , représentations théatrales,  prévus à l‘Artchipel Scène Nationale ont  tous été annulés ou reportés. Pourtant les   ICC doivent pouvoir surmonter cette crise et reprendre du balan, c’est du moins l’opinion d’Alain Maurin, Professeur d’économie à l’Université des Antilles

Durant les temps du confinement, le gouvernement a mis en œuvre un panel de mesures afin d’éviter l’effondrement du système économique au travers du soutien apporté à ceux qui en constituent des piliers : les salariés et les entreprises. Il s’est aussi tenu à son rôle de protecteur des français en venant en aide aux familles. En Guadeloupe, l’Etat a honoré ses missions régaliennes et les collectivités locales n’ont pas été en reste avec leur engagement spontané pour accompagner les soignants, le monde de l’hygiène et de la santé, la production locale, etc.

Dans ce temps conjoncturel, l’action publique se devait de réagir au choc sanitaire. Mais sans que ce dernier soit complètement terminé, il y a le choc économique qui débute avec ses effets dévastateurs. Sans disposer de tous les éléments d’un bilan macroéconomique correctement chiffré, il est déjà possible d’apprécier l’ampleur des conséquences économiques de la crise du coronavirus qui se manifestent par des branches professionnelles en rythme léthargique, le chômage en dégradation prononcée, l’investissement qui tire son frein à main, le secteur bancaire qui est gagné par plus de frilosité, etc. Mis bout à bout, ces faits épars se conjuguent pour déboucher sur la succession tant redoutée par les économistes : celle de croissance négative enregistrée sur plusieurs trimestres consécutifs. Avec les 55 jours de confinement, du 17 mars au 11 mai, c’est sûr que le second trimestre guadeloupéen verra le PIB affecté d’une baisse vertigineuse et de même, cette dernière devrait correspondre à l’un des pires résultats de l’économie guadeloupéenne, encore plus grave que celui du premier semestre 2009 de la crise économique LKP.

Après la tempête du court terme devraient venir les beaux temps des moyen et long terme. Mais naturellement que ces meilleurs temps ne découlent pas uniquement de la providence, et encore moins d’un accompagnement bienveillant et long de la part des autorités parisiennes et bruxelloises.

En contexte de concurrence territoriale que se livrent les DROM-COM français et aussi les quelques 269 régions européennes, notamment dans le partage des moyens financiers nationaux et communautaires, les décideurs et autres acteurs idoines de la Guadeloupe n’ont plus le luxe d’un quelconque attentisme. Ils ont fait la démonstration de leur réactivité durant la période d’assignation à domicile et, désormais, ils sont sollicités pour l’action stratégique avec plus d’obligation de résultats positifs.

L’action publique guadeloupéenne doit se mettre à la hauteur des conséquences du double choc d’offre et de demande qui se produit, qui a déjà généré la contraction de l’activité économique un peu partout et, il faut l’espérer, ne provoquera pas des récessions trop prolongées.

Dans cette optique, il reste à affronter dès aujourd’hui les défis des transformations structurelles visant à remodeler l’économie et la société guadeloupéennes. Prioritairement, la Guadeloupe a besoin de miser sur des moteurs internes, sur ses ressources qu’elle détient depuis des lustres, qui sont en état de profusion certes, mais pas éternellement.

Plusieurs argumentations et préconisations sectorielles ont été proposées pour alimenter les choix des politiques publiques qui seront mises à œuvre dans les mois et années immédiates à venir. Elles doivent résolument s’inscrire dans une approche mêlant pragmatisme que certains réclament mais aussi fondements théoriques et méthodologiques solides. Sur cette nécessité de l’opérationnel, je me permets de souligner qu’il est facile de recenser de nombreuses initiatives et actions concrètes menées par diverses personnes en Guadeloupe. Mais laissées sans feedback de la part de décideurs concernés, elles n’ont pas abouti à provoquer les réactions qu’elles visaient.

Pour ce qui concerne spécifiquement le secteur culturel qui tarde à voir ses potentiels mis en plus haute valorisation économique, sociale et culturelle, je peux partager ici quelques réflexions et propositions éclectiques qui découlent d’un travail que j’ai publié en 2018 mais dont le contenu est plus que jamais d’actualité. Elles sont axées ici uniquement sur trois volets rattachés à un ensemble bien large.

A/ Sortir de la consumation pour aller vers une consommation plus intelligente et une démarche d’investissement

En Partant du constat que la croissance et le développement durant les dernières décennies ont tenu ici moins au dynamisme propre de l’économie locale qu’à l’augmentation prononcée des Transferts financiers publics extérieurs, il y aurait à reconsidérer le rôle et la place de la consommation et de la production dans l’économie guadeloupéenne de demain. Michel Louis (1981) les a analysés en évoquant le rapport homme/objet comme lieu de leur sens profond et en les reliant à la culture. Il a rappelé que le système de production tout entier est un domaine d’intentionnalité culturelle comme l’a démontré Marshall Sahlins. On peut ainsi déduire que la reconfiguration économique et sociétale passe par une plus forte présence de la culture guadeloupéenne dans les socles et composantes de l’économie et des politiques publiques.

En observation rapide de l’évolution de la société de nos îles guadeloupéennes, ancrée dans la ruralité d’un passé somme tout récent, d’une cité urbaine en fibres de simplicité, où les enfants mangeaient des fruits d’ici et étaient pénétrés des us et coutumes des parents et des contes et légendes des grands parents, la vie actuelle est à contrario plongée dans la complexité et rythmée de tensions. En conséquence de la perméabilité aux souffles du monde et de nos manques de vigilance, la Guadeloupe en est arrivée à une consommation en insuffisance de conscience, au point de plonger dans la consumation lorsque l’on voit ses ressources internes finir dans la sous-exploitation, la perte, l’oubli, … A l’instar d’un feu, des flammes invisibles sont en œuvre et génèrent des risques de voir la création artistique locale, et d’ailleurs dans la même logique la production locale, être consumée, pour déboucher sur une société vide d’identité et de sens.

Ce dernier mot ouvre la porte aux idées de Cyril Serva dont une revisite a été au centre de l’hommage rendu par la revue Etudes Guadeloupéennes les 14 et 15 janvier 2012 au Lamentin. Les quelques clins d’œil à ses écrits discutés par les participants sont amplement suffisants pour souligner qu’ils sont d’une fraicheur épique pour analyser la situation actuelle de l’archipel Guadeloupe qui, en pleine traversée et lendemains de la crise Covid-19, offre le reflet d’un bateau au gouvernail endommagé, en défaut d’une convergence des vues de ses gouvernants. C’est dans les années 1980 que Cyril Serva s’est livré en sincérité autour de sa volonté à « penser le Pays nôtre » : « Il faut donc réfléchir par soi-même et trouver le moyen, avec notre propre expérience et celle indirecte des autres pays, d’apporter une contribution originale à la civilisation mondiale, sur le plan de l’organisation sociale, du développement et de la culture. »

Comment l’archipel Guadeloupe pourrait-elle en effet se retrouver dans un sentier de progrès collectif si ses dirigeants politiques, économiques et administratifs ne sont pas imprégnés majoritairement du « sens du pays » ?

En paraphrase de Cyril Serva, nous voilà en face de notre société à rebâtir dans ce monde d’après le séisme coronavirus, de notre destin, d’un peuple guadeloupéen en fin de compte si spécial, quoique aspirant, comme les autres peuples, à la liberté, au mieux-être, à la dignité.

Aujourd’hui, avec le recul sur nos trajectoires de 74 années depuis ce fameux 19 mars 1946 et aussi de 38 ans depuis l’adoption de l’Acte I de la décentralisation, avons-nous appris de nos erreurs, tergiversations et peurs ? Nous qui sommes si nombreux finalement à avoir trouvé des voies menant à la réussite personnelle dans kyrielle de domaines (sport, musique, littérature, sciences, technologie, entreprenariat, …), aurons-nous la capacité de trouver une recette menant vers un succès collectif ?

Nous voilà en face de nous-mêmes, l’un observant l’autre, en attendant de voir pleinement le déclic de l’un poussant l’autre en l’aidant à avancer dans son initiative. Aurons-nous suffisamment d’audace pour oser nous projeter dans la co-construction d’un rêve guadeloupéen ?

La donne du chômage au sein de l’archipel avec son niveau anormalement élevé, hors norme chez les jeunes, et aussi sa persistance depuis déjà plusieurs décennies, témoigne combien les explications des théories de l’économie du travail sont insuffisantes pour en rendre compte. Ces raisons et de facto les politiques curatives trouvent aussi leurs fondements dans d’autres champs disciplinaires tels que l’histoire de l’esclavage,l’économie des institutions, le droit économique et des affaires, la science politique, etc.

Pour donner de l’oxygène à l’emploi au bénéfice des guadeloupéens, à la production locale, à l’artisanat Karukéra et, plus largement, pour pallier les défauts de démocratie gangrénant la gouvernance et le fonctionnement de l’économie guadeloupéenne, c’est un parcours semé d’embûches que devront franchir les décideurs locaux, les obstacles multiples et variés de l’échelle régionale (question des institutions, adhésion de la population, …) mais aussi ceux redoutables de la strate nationale (négociation avec le gouvernement, promulgation de lois spécifiques, …).  A titre d’exemple, on a vu à quel point il a été difficile d’aboutir à l’adoption de la loi de régulation économique Outre-mer (Loi n° 2012-1270 du 20 novembre 2012  ou loi RÉOM), y compris dans sa version finale élaguée. Au vu de l’ampleur des défis et des réformes attendues pour les économies d’outremer, il y a lieu de miser sur des compromis pouvant fédérer les acteurs de la société afin d’espérer obtenir des avancées significatives. L’identité culturelle qui est ce miroir permanent des langues, modes de vie, pratiques, traditions, croyances, vivre ensemble, mémoire historique, …, renvoyé à tout instant à la communauté guadeloupéenne, figure certainement au premier rang comme véhicule de compromis

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