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France. Répression. Condamner la violence légale : la violence de l’Etat

France. Répression. Condamner la violence légale : la violence de l’Etat

France. Répression. Condamner la violence légale : la violence de l'Etat

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Texte de Dimitri Lasserre

Paris. Mardi 19 avril 2023. CCN. Lors de chaque passage face à un journaliste des médias mainstream, les opposants au pouvoir exécutif sont sommés de « condamner les violences ». « On entend la colère du peuple, elle s’exprime de manière légitime dans les manifestations. Mais les violences des casseurs sont inadmissibles. Vous condamnez les violences ? » A cette question, la plupart des interrogés répondent à l’affirmative. C’est un tort. Il est grand temps de cesser de « condamner les violences ».

Dans la première partie des Damnés de la terre, Fanon rappelle à quel point la violence est nécessaire dans les luttes politiques. Par-là il ne faut pas entendre qu’elles soient désirables, mais qu’elles sont, de fait, inévitables. Face aux baïonnettes du pouvoir colonial, l’indépendantiste algérien n’a d’autre choix que de recourir à des moyens musclés pour renverser l’ordre en place. Si le contexte était propice à la discussion raisonnée, nul doute que personne n’aurait sorti les fusils. La violence populaire n’est pas gratuite, elle n’est jamais une fin en soi. Elle est le moyen de s’affranchir d’une violence plus structurelle : la violence de l’Etat, de l’entreprise, du racisme, du capitalisme, etc. Le président Macron déclarait, après que son parlement eut piétiné ce qu’il reste d’institutions démocratiques en France et que sa police eut fracassé quelques réfractaires, qu’il ne faisait pas passer sa réforme des retraites « par plaisir ». Monsieur le Président, ce n’est pas le plaisir qui anime le manifestant violent : c’est la haine que vous lui inspirez. Mais cette haine n’est pas autonome. Elle n’est rien sans le brin de raison qui la sous-tend : cette petite voix qui murmure : « tu as raison de t’opposer, tu as raison de te battre ».

Car qu’en est-il concrètement ? Qu’en est-il de la violence concrète ? Les feux de poubelles et les vitrines brisées pointées par les médias de masse sont une violence abstraite, dont les causes ne sont jamais questionnées, et dont les quantités ne sont jamais mesurées. Ce qu’attendent ces médias de cour, c’est une caution morale : « la violence, vous la condamnez, hein ? Parce que c’est pas bien ». Mais concrètement, que se passe-t-il ?

Lors de la manifestation du jeudi 23 mars 2023, la police a nassé l’ensemble du cortège. Des centaines de milliers de manifestants ont été entravés dans leurs mouvements, ratatinés entre la place de l’Opéra et la Banque BNP Paribas, sagement gardée par des forces de l’ordre armées jusqu’aux dents, sur le boulevard des Italiens (des centaines de milliers, oui, car tenir compte des chiffres délirants de la préfecture consisterait en ajouter un mensonge supplémentaire à la longue liste des affabulations d’Etat). Une fois parvenu à la fin du parcours de la manifestation, il était tout simplement impossible de quitter le cortège, de rentrer chez soi. La place de l’Opéra Garnier était cadenassée. Impossible d’aller de l’avant, un mouvement de foule contraire, contraint par la police, fondait sur les manifestants qui souhaitaient se rendre sur la place. Le manège n’eût pas été plaisant si ne s’étaient pas ajoutés les gaz lacrymogènes, lancés au hasard sur la foule. Le vent aidant, tout le monde se trouva gazé, sans exception. C’est ainsi que sont « encadrées » les manifestations à Paris : la préfecture de police coince les manifestants sur une place, puis les gaze. Mais jamais, ô grand jamais, on n’entendra un journaliste « condamner » ces violences. Jadis, les chiennes de garde étaient des féministes engagées dans la défense des droits réels des femmes, aujourd’hui ce sont Caroline Roux, Léa Salamé, Apolline de Malherbe ; bref, des dobermans du pouvoir. Quand des policiers agressent des manifestants, elles montrent du doigt un feu de poubelle. Voilà un bien curieux ordre des priorités.

Pour quitter le cortège, il fallait remonter le boulevard des Italiens, et emprunter une ruelle perpendiculaire. Par manque de chance, ces rues, elles aussi, étaient sagement gardées par la police. Mais une ligne de CRS finit par céder. Face à un attroupement de plus en plus massif et, de ce fait, de plus en plus dangereux, un capitaine de brigade laissait passer, au compte goûte, des manifestants. Il le faisait sous la menace : « si vous devez attendre quelqu’un, faites-le au bout de la rue, sinon on ne laisse plus sortir personne ! » hurlait-il. Inutile de rappeler que ces pratiques sont illégales. De toute façon, la loi est du côté de ceux qui possèdent les armes. Face à la foule en colère, on imagine assez mal comment, concrètement, cette dizaine de CRS auraient pu faire obstacle à des milliers de manifestants. Ce sont les lois de la physique : dix corps, aussi forts soient-ils, ne résistent pas à mille.

Des manifestants bloqués en toute illégalité, gazés, tabassés, insultés. C’est aussi cela la réalité des manifestations. Il y aura un sens à « condamner les violences » lorsque toutes les violences seront désignées. La violence politique n’est jamais un phénomène isolé, que la psychologie de quelques-uns saurait expliquer. La violence participe à l’organisation de l’ordre politique. Il existe une violence légale : la violence de l’Etat. Cette violence, le corps social peut y consentir tant qu’une certaine adéquation entre le domaine du légal et du légitime est sauve. La violence de l’Etat est acceptable, et acceptée, tant qu’elle demeure légitime. Mais à quelle légitimité peut prétendre une police qui tue, éborgne, mutile, gaze, tabasse, insulte, frappe, charge, des manifestants pacifiques ? (Et quand bien même ne serait-il pas pacifique, quelle serait la légitimité de telles exactions ?). A quelle légitimité peut prétendre un pouvoir exécutif qui ment, cache, écrase les contrepouvoirs, use de tous les artifices de la loi pour asseoir une autorité tyrannique, élimine de manière violente toutes les oppositions, et répond par la violence symbolique d’un mépris sans cesse renouvelé au peuple qu’il opprime ? Ni cette police, ni ce pouvoir ne sont légitimes. C’est pourquoi il est grand temps de cesser de jouer le rôle du petit juge moral et de condamner aveuglément, sans les questionner, sans les comprendre, les violences. S’il fallait glisser sur le terrain de la morale, d’ailleurs, on serait en droit de douter que c’est parmi les black blocks que l’on trouverait les hordes d’« agents du mal ». La violence de quelques manifestants n’est rien sinon l’effet de la violence du petit chef à la tête de l’Etat. Si nous voulons que ces violences cessent, alors assurons-nous que cet extrémiste et toute sa clique de fanatiques renoncent à exercer leur pouvoir. Ce pouvoir exécutif est dangereux. Il ne l’est pas seulement pour la démocratie, il l’est pour la société civile. La démocratie sociale doit remplir sa fonction de dernier rempart, de dernier contrepouvoir, face à l’autocrate à la tête de l’Etat, qui gouverne seul, contre les institutions démocratiques, contre la loi (qui, selon lui, prend trop de place), contre son peuple.

Dimitri Lasserre

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