Saviez-vous que le Congo avant de devenir le Congo Belge, était la propriété personnelle du Roi des belges Léopold II ?
Obsédé à l’idée de posséder une colonie, c’est avec l’aide de l’explorateur Henry Morton Stanley, que le Roi des Belges finit par obtenir un territoire immense, représentant 5 à 6 fois la France, qui lui confère une reconnaissance internationale.
Prétextant que sa mission est de mettre fin à l’esclavage établi par les arabes au Congo, la communauté internationale découvrira avec indignation bien plus tard, que le travail forcé, les pillages et villages rasés, la barbarie, la torture et les mutilations, sont le lot quotidien parmi les atrocités subies par les populations congolaises, ces dernières étant utilisées pour déposséder et exploiter l’ensemble des ressources hors et sous-sol que regorge ce territoire.
Le Congo est le marché du monde, et la mort de près de dix millions de nègres ne représentent absolument rien pour le Roi des Belges !
De retour de Kinshasa, c’est sur fond de rumbas congolaises que la troupe du Congo Jazz Band va nous conter avec délectation un siècle de l’histoire de la colonisation et décolonisation du Congo.
Tout semble décalé, voire un peu déjanté et drôle à la fois, et pourtant il n’y a rien de plus sérieux que ce qui se déroule sous nos yeux ! Les comédiens sont tous noirs et interprètent avec une décontraction déconcertante les personnages blancs que sont Léopold II, Marie Henriette son épouse ou encore Stanley. Il se produit une rapide déconnection du cerveau pour revenir à la réalité et le supplier d’accepter l’inversion...
Les musiciens sont des femmes, et les choristes sont des hommes !
Nous sommes au 19 siècle, et le metteur en scène n’hésite pas à faire une virée quand c’est nécessaire dans le mode médiatique du 21ème !
L’histoire est tragique et pourtant, on rit, on sourit tant l’intelligence de l’humour est omniprésence. Le rythme est soutenu et le narrateur nous fait part de tous les détails ! le public est suspendu aux lèvres des comédiens et quand il s’agit de nous tenir un peu plus en haleine, ils se transforment en musiciens et nous transportent sur des airs de rumba congolaise endiablés.
Alors que chacun sait comment le premier ministre du Congo Patrice Lumumba est mort le 17 janvier 1961, l’auteur le ressuscite comme s’il n’était jamais parti...
Ce spectacle d’une heure quarante-cinq est vraiment surprenant à tel point qu’on serait tenté de le raconter dans les moindres détails !
En effet l’auteur, Mohamed Kacimi, a su trouver le format idéal pour évoquer ce pan de l’histoire belge sans doute oublié, et éduquer dans le temps imparti, les peuples au travers de cette tragédie, qu’on soit descendants de colonisés ou de colonisateurs.
Son histoire personnelle découlant elle aussi de la colonisation de l’Algérie, y est pour beaucoup dans l’écriture de cette œuvre théâtrale.
C’est l’aubaine quand son ami Hassane Kouyaté fait appel à lui pour l’accompagner sur ce projet qui consiste à comprendre les mécanismes et les conséquences du système colonial pour en analyser les dégâts occasionnés. « Il faut arrêter de parler des bienfaits de la colonisation » dit-il. « Quand on prive des hommes de leurs langues de leurs racines, qu’on efface leurs ancêtres, qu’on arrache leurs terres, qu’on les prive de leur mémoire et surtout de leurs dieux, vous ne pouvez pas compenser avec un hôpital ou une autoroute. La colonisation est un viol historique qui doit être reconnu comme tel et aucune infrastructure ne pourra compenser le mal que la colonisation a causé dans le monde et en particulier en Afrique. »
Il faut souligner le travail extraordinaire des 6 comédiens Alvie Bitemo, Marcel Mankita, Criss Niangouna, Abdon Fortuné Kumbja, Miss Nath et Dominique Larose dont pour certains il s’agit d’une première dans le monde du théâtre et de la comédie. Ils ont su toutefois créer l’osmose avec brio !
Comme le précise le metteur en scène, Hassane Kassi Kouyaté, nous ne sommes pas comptables de ce que nos ancêtres ont fait, mais ne pas connaitre son histoire et refuser de la regarder en face, c’est priver les générations futures d’une construction efficiente qui permettrait peut-être le mieux vivre ensemble.
Le Covid a eu raison sur la programmation qui n’a malheureusement pas permis aux écoliers de la Guadeloupe de découvrir ce spectacle.